Il y a quelques mois, la Confédération a su sortir de sa manche près de 70 milliards pour sauver une banque internationale privée, l’UBS. Et cela sans lui poser de conditions. Une aussi généreuse intervention n’est pas à l’ordre du jour dans le domaine social. En effet, l’assurance invalidité (AI), assurance sociale indispensable, péclote avec 13 milliards de dettes qui plombent lourdement, en fait, le Fonds AVS. La droite de notre pays a refusé avec horreur une augmentation des cotisations, méthode qui lui paraît pourtant parfaitement cohérente lorsqu’il s’agit de l’assurance maladie. Pour l’AI, un bricolage financier lui a paru plus en harmonie avec la vision libérale qui lui est chère : il s’agit d’un cadeau à l’AI de 5 milliards, piqués dans le Fonds AVS, et surtout d’une augmentation durant 7 ans de 0,4% de TVA qui va de paire avec la séparation du Fonds AVS, entre les finances de l’AVS et celles de l’AI, souhaitée par tous depuis longtemps. Cet arrangement aurait dû être voté par le peuple en mai dernier.
Economiesuisse dicte ses conditions
Or, le napoléonien conseiller fédéral de Martigny craint d’y voir son Waterloo, juste au moment où il va prendre sa retraite. Cela le fait tiquer, même s’il est habitué aux défaites et à l’impopularité. Il a donc repoussé la votation au 27 septembre, le temps d’oublier un peu la crise. Mais voilà Economiesuisse qui rechigne encore. Alors, en quelques heures, la décision fut prise de retarder la mise en vigueur d’un an de l’assainissement prévu, soit jusqu’en 2011.
Et, pour mieux s’agenouiller devant l’UDC et le libéralisme, éclôt soudain cette semaine un 6e projet de restructuration de l’AI, qui la démantèle encore plus gravement que la 5e révision. Comme si le Conseil fédéral voulait donner raison à ceux qui proclament que les victimes de handicaps sont tous suspects d’être des profiteurs.
Ces atermoiements sont hélas l’arbre qui cache la forêt. La dure réalité, c’est qu’on a laissé choir l’AI dans les dettes, tout en laissant croire que ce sont les invalides qui en sont les responsables. Les organisations de défense des victimes de handicap sont inquiètes à juste titre.
Un refus le 27 septembre serait une vraie catastrophe. Cela signifierait sans aucun doute de nouvelles coupes dans les rentes avec toutes les répercussions imaginables sur l’aide sociale qui devra suppléer à cette misère. Ce serait donner raison à tous ceux qui ne rêvent que de flexibiliser les assurances sociales, comme ils ont déjà flexibilisé le droit du travail et l’assurance chômage.
Sauver l’AI, soutenir les invalides et l’AVS
Sans parler du Fonds AVS. Actuellement, les 13 milliards de dettes de l’AI creusent le Fonds AVS, faute d’avoir clairement défini ce fameux Fonds devenu un vrai fourre-tout. On y trouve aussi bien les APG, assurances perte de gain, que l’assurance maternité, en plus de l’AI. Ce n’est pas sans importance pour les rentiers AVS. Le Fonds AVS recueille les cotisations des actifs et permet le versement des rentes de l’année suivante. Si le 70% des rentes d’une année n’est pas garanti, leur indexation au coût de la vie n’est plus possible selon la loi. Pour l’heure, ce Fonds a recueilli quelque 38 milliards, ce qui suffit pour assurer le versement des rentes l’an suivant. Or, les audacieux gestionnaires de ce pactole lui ont fait perdre 4 milliards en 2008. Il faut décompter encore du bilan les 5 milliards offerts à l’AI et ses 13 milliards de dettes. On comprend donc que le sauvetage de l’AI et des rentes aux invalides est fermement lié au sort des rentiers AVS.
Alors, même si une augmentation de TVA est une solution socialement injuste, même si le bricolage couchepinien est difficile à avaler, même si la volonté de démantèlement de la droite est à vomir, il faut accepter de voter oui le 27 septembre, de peur que ne s’effondre tout à fait l’indispensable AI. Impensable.
Christiane Jaquet
Source : Gauchebdo