Il s’agit de saluer l’aboutissement de cet important dossier, pourtant encore mal emmanché il y a un an, sous le précédent chef de l’instruction publique, Philippe Gnaegi (PLR), qui voulait à tout prix imposer le dogme de la neutralité des coûts, balayant soigneusement, pour ce faire, tous les points problématiques sous le tapis. L’arrivée à la tête du Département de Monika Maire-Heftl (PS) a permis de réintroduire ces points, de libérer les moyens financiers nécessaires et d’aboutir au large consensus actuel.
La nécessité de cette réforme est incontestable. L’ancien système des trois filières (préprofessionnelle, moderne, maturité) date d’il y a cinquante ans. Il ne correspond plus, depuis fort longtemps, aux débouchés professionnels d’alors. On assiste notamment, depuis plusieurs décennies, à l’exclusion socio-professionnelle croissante des élèves de préprofessionnelle, qui trouvent de moins en moins de places d’apprentissage. Le nouveau système d’enseignement à niveaux dans une filière unique devrait ouvrir à nouveau des perspectives à toute une série d’élèves aujourd’hui enfermés dans une filière dévaluée.
Cela dit, il ne faut pas se bercer d’illusions. Pour les élèves les plus faibles, le problème demeure et il dépasse le seul cadre de l’école. Les exigences du monde professionnel se sont accrues ; les « petites mains » d’antan n’existent plus dans l’entreprise. Le défi de l’intégration des plus défavorisés reste entier, indépendamment de toute réforme scolaire, qui peut au mieux limiter les dégâts d’une société qui érige la rentabilité en valeur suprême.
Enfin, l’acceptation de cette réforme ne doit en aucun cas être comprise comme un aboutissement. Au contraire, il s’agit maintenant d’assurer un suivi attentif de la mise en œuvre et de se donner les moyens d’apporter rapidement les corrections nécessaires au vu des problèmes qui ne manqueront pas de surgir. Pour n’en citer que deux : l’éclatement de l’unité « classe » créera de nouveaux problèmes aux élèves les plus faibles, aujourd’hui fortement encadrés par des maîtres-ses qui jouent un rôle socio-éducatif bien plus large que le seul enseignement. Par ailleurs, pour pallier à cet affaiblissement du-de la maître-sse de classe, il s’agira de mettre en place une aide personnalisé et efficace de ces mêmes élèves en dernière année, afin de leur assurer les meilleures chances d’intégration dans le monde professionnel.
Bref, nous avons mis fin à un système qui perpétuait l’exclusion, nous nous sommes donnés la chance d’un système meilleur : mais pour le réaliser, nous avons encore bien du pain sur la planche. Pour y arriver, non seulement l’expérience des cantons qui connaissent déjà un système similaire, comme celui du Valais, du Jura, de Vaud ou du Tessin, sera précieuse, mais il faudra apprendre aussi à être à l’écoute des acteurs du terrain, ce qui n’est pas toujours aisé pour les instances dirigeantes.
Daniel Ziegler