Dans ce tableau harmonieux, d’où diable peut bien provenir un malaise ? De ceci que l’action politique et démocratique, en définitive et pour la majorité des gens, se résume à ces échanges, courtois et policés, respectueux de l’ordre et des règlements, ne bousculant que les sensibilités et les egos de ceux qui y participent. Dans ce monde protégé qui cultive l’entre-soi, où sont donc les travailleurs étrangers en intérim, les ouvriers en 2 ou 3x8, les femmes à la double-journée et les jeunes adultes à l’aide sociale faute de trouver du travail ? Cette vie politique, qu’elle soit communale, cantonale ou fédérale, se déroule loin des gens et de leurs préoccupations, loin des difficultés quotidiennes du chômeur et du jeune en rupture scolaire, mais loin aussi de l’autre pôle de la société, celui qui accumule richesses, privilèges et réel pouvoir. La démocratie bourgeoise a ainsi refermé sa porte grillagée sur la classe intermédiaire, la petite-bourgeoisie, meilleure garante du respect de l’ordre social tant que celui-ci lui donne l’illusion de pouvoir y jouer un rôle majeur. La petite-bourgeoisie assure le gardiennage de la propriété capitaliste sur laquelle il est inscrit, comme l’écrivait Marx à propos de la sphère de la production : no admittance except on business.
Julien Binggely