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Décembre 2012

 POP Info No 2 - Le piège de la démocratie bourgeoise

dimanche 30 décembre 2012


Je vais profiter de l’espace offert par ces colonnes pour extérioriser un certain malaise. Elu au Conseil général de la Ville de Neuchâtel, je me frotte depuis peu à la vie politique communale, à ses petites batailles verbales et « grands » enjeux urbanistiques, à ses figures politiques installées et souvent péremptoires, de droite comme de gauche et à ses acteurs plus modestes et discrets, mais qui ne jouent pas moins leur rôle dans les processus de prise de décisions. Rapports du Conseil communal au Conseil général, arrêtés, prises de position des groupes politiques, discussions, puis finalement vote, ainsi va la vie politique institutionnelle locale. La plupart des conseillers généraux pensent sincèrement pouvoir réellement influer sur le cours des choses ou de l’existence des citoyennes et citoyens de leur commune, de permettre à leurs idées de percer sous l’amas d’avis contraires et triompher, l’espace de quelques minutes, dans le magnifique cadre offert par l’hémicycle de l’Hôtel de Ville.

Dans ce tableau harmonieux, d’où diable peut bien provenir un malaise ? De ceci que l’action politique et démocratique, en définitive et pour la majorité des gens, se résume à ces échanges, courtois et policés, respectueux de l’ordre et des règlements, ne bousculant que les sensibilités et les egos de ceux qui y participent. Dans ce monde protégé qui cultive l’entre-soi, où sont donc les travailleurs étrangers en intérim, les ouvriers en 2 ou 3x8, les femmes à la double-journée et les jeunes adultes à l’aide sociale faute de trouver du travail ? Cette vie politique, qu’elle soit communale, cantonale ou fédérale, se déroule loin des gens et de leurs préoccupations, loin des difficultés quotidiennes du chômeur et du jeune en rupture scolaire, mais loin aussi de l’autre pôle de la société, celui qui accumule richesses, privilèges et réel pouvoir. La démocratie bourgeoise a ainsi refermé sa porte grillagée sur la classe intermédiaire, la petite-bourgeoisie, meilleure garante du respect de l’ordre social tant que celui-ci lui donne l’illusion de pouvoir y jouer un rôle majeur. La petite-bourgeoisie assure le gardiennage de la propriété capitaliste sur laquelle il est inscrit, comme l’écrivait Marx à propos de la sphère de la production : no admittance except on business.

Julien Binggely

POP neuchâtelois  |   Dernière mise à jour: le 15 mars 2018

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