Notre époque est, semble-t-il, celle de la prospérité, celle du bien-être, celle de la haute technologie à tout niveau. La société n’a jamais produit des richesses aussi importantes. Cependant, elle n’a jamais engendré une insécurité et des inégalités aussi profondes.
Dans cette société où l’on produit, où l’on construit, où la puissance économique et financière domine l’être humain, celui-ci continue de vivre dans un sentiment d’insécurité.
Des peuples se déchirent, arment leurs citoyens pour tuer et détruire. La dureté de l’actualité nous décrit tous les jours les scènes de désolation et d’horreur qui se déroulent dans le monde et nous dresse une liste tragique de familles décimées, rompues parfois à tout jamais. L’homme ne sait décidément pas tirer de leçon de l’histoire, sa mémoire est-elle si courte ? La liberté, dans son sens le plus large, qui devrait être le fondement de notre société, est remise en question, voire même bafouée. La violence, l’intolérance et l’injustice continuent leur progression et n’épargnent personne. A ce propos, j’aimerais citer et surtout rendre hommage à ces femmes kurdes militantes pures et dures, mais aussi mères de famille, qui sans hésitation se sont battues et se battent encore pour un statut d’autonomie et d’indépendance, qui au péril de leur vie, défendent envers et contre tout la démocratie.
Lorsque je parle d’insécurité, je pense également à ces dizaines de milliers de migrants qui chaque jour tentent de fuir la guerre, ceux qui pour survivre, dans un ultime espoir d’arriver en Europe, s’embarquent sur des bateaux de fortune qui ne les amèneront peut-être nulle part, ou probablement à la mort. Ces victimes innocentes, croyant échapper à la tyrannie, n’hésitent pas à affronter un monde inconnu. Dans le cas où ils parviennent à cette terre promise, le chemin de l’intégration sera un long périple. La discrimination dont font souvent l’objet les immigrés, d’où qu’ils viennent, reste pour moi un combat au quotidien. Il n’est pas question de nier les différences, elles existent et c’est tant mieux. Elles doivent simplement être sources d’ouverture et de progression. Elles sont finalement la grande richesse de l’humanité.
Quelle que soit l’échelle sociale dans laquelle nous nous trouvons, quelle que soit la couleur de notre peau, quelle que soit notre pensée, nous avons tous le droit au respect, le besoin de la reconnaissance méritée et surtout de ne pas être victime d’exclusion. En 2015, des hommes, des femmes, des enfants payent encore de leur vie le fait d’exprimer leurs opinions.
Dans mon cadre professionnel, il m’arrive régulièrement d’accueillir des enfants provenant d’autres pays, qu’ils soient en guerre ou en difficultés économiques. Le regard de ces enfants, souvent perdu, toujours angoissé me va droit au cœur. C’est ce regard qui me convainc à chaque fois que l’accueil et la tolérance sont les éléments fondamentaux si l’on veut qu’un jour ces enfants fassent à part entière, partie de notre société.
Mais l’insécurité dont j’ai parlé, s’inscrit aussi dans le domaine social. Il est indigne que des personnes ou des familles restent en marge de la société et il est du devoir de chaque citoyen appartenant à une collectivité publique de faire en sorte que la solidarité sociale ne soit pas qu’une parole en l’air. A travers le monde, des centaines de millions d’hommes travaillent dans des conditions lamentables. Partout, en Asie, en Afrique, en Amérique latine, mais chez nous également, des hommes et des femmes sont à la peine.
Confrontée à une crise financière sans précédent, l’Union Européenne a pris le chemin de l’austérité qui contraint les peuples à toujours plus de sacrifices. Les plans d’austérité se succèdent et les cibles restent invariablement les mêmes : les retraites, les salaires et la protection sociale. Économiquement laissée pour compte, en conflit avec cette société de consommation, à quoi doit s’attendre la jeunesse pour son futur ? Que sommes-nous en train de lui construire ?
A notre niveau, le chômage dégrade la vie de trop de gens. Ces personnes sont régulièrement stigmatisées, rejetées et souvent prises dans une spirale de laquelle il leur est difficile de s’échapper. Favoriser la réinsertion professionnelle des personnes sans emploi doit rester une priorité. L’évolution du taux de chômage et de l’aide sociale est particulièrement préoccupante et nécessite plus que jamais l’engagement de tous. Il est clair que sans l’aide des acteurs économiques, la situation ne pourra évoluer favorablement. Le contraire est même en train de survenir ces derniers temps, plusieurs entreprises de la région ayant annoncé des licenciements. Ce passage à vide de bon nombre d’industries est inquiétant. Le chômage et les inégalités croissantes entre riches et pauvres ne peuvent qu’être au centre de nos préoccupations.
Ce système, où seul le productivisme à outrance est roi, est un fiasco incontestable. L’hyperconsommation d’un côté de la planète et le manque de l’essentiel de l’autre, est inacceptable. Ce système capitaliste est incapable de dispenser les richesses de manière équitable, au contraire, il semble fait uniquement pour accentuer les inégalités, son seul objectif étant le profit. Il ne se soucie en rien de l’environnement, du bien-être des habitants de cette planète.
Il est de notre responsabilité d’être actifs dans le maintien et la défense des acquis sociaux, dans l’aide aux personnes les plus démunies et celles qui sont dans la précarité, en militant pour des salaires dignes et en soutenant les plus jeunes dans leur intégration qu’elle soit professionnelle ou sociale.
Ces thèmes me sont chers. Ils sont pour moi un combat quotidien qui s’accompagne de petits gestes, de ceux qui semblent peu de chose mais qui peuvent changer une vie.
Par ailleurs, j’espère que cette poignée de main historique entre Barack Obama et Raul Castro soit le symbole de cette année 2015, pour un monde décidé à prendre le chemin de l’ouverture et de la tolérance. Je vous laisse y méditer.
Étant de nature optimiste, je suis convaincue qu’en travaillant ensemble, dans le respect de l’autre et avec une écoute attentive, le monde a toutes les chances d’aller dans le bon sens afin de laisser malgré tout un digne héritage aux générations futures.
Pour revenir sur l’actualité brûlante de notre canton, permettez-moi de conclure par un syllogisme aussi absurde qu’empreint d’humour noir. Il n’est pas de Socrate mais peut-être d’un locataire du Château : "Le Haut n’aura bientôt plus d’hôpital. Tout malade une fois ou une autre a besoin de se faire soigner dans un hôpital. Donc, réjouissons-nous, il n’y aura plus de malades dans le Haut".
Je vous remercie de votre attention.
24 avril 2015