Au niveau de l’évolution sociale : Cette législature fut marquée par l’augmentation toujours plus importante de l’aide sociale et de la précarisation dans le canton. Si, en 1991, les dépenses d’aide sociale avoisinaient les 5 millions de francs, celui-ci se monte désormais à près de 100 millions par année. Les régions urbaines sont particulièrement touchées avec environ 10% de la population à Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds (6,7% au niveau cantonal). De même, les jeunes, les séniors et les familles monoparentales sont directement frappés par ce processus, liés notamment au chômage et à la perte de pouvoir d’achat. La lutte contre la précarisation doit être la priorité première des pouvoirs publics. Ceci passe par une responsabilisation des acteurs économiques et des entreprises. Ces dernières doivent dès lors s’engager à sortir des personnes de l’aide sociale et du chômage, en permettant à tout un chacun d’accéder au marché du travail.
Cette législature a néanmoins permis certaines avancés au niveau social et la mise en place de garde fous. Le Parti ouvrier et populaire et la gauche ont ainsi déposé différentes motions (”connaître l’ampleur de la pauvreté pour la combattre“, “lutter contre les effets de seuil“, “Marché du travail : régulation et responsabilisation“). Rappelons au passage l’acceptation historique par le peuple du “frein aux économies”, résultant de l’initiative du POP “Frein au démantèlement social“, qui avait récolté plus de 6′000 signatures. Ainsi, les économies importantes, notamment dans le secteur social, nécessitent désormais une majorité qualifiée des trois cinquièmes. De plus, l’inscription dans la Constitution cantonale d’un “salaire minimum et décent” devrait permettre, à la suite de l’élaboration du projet de loi, de lutter contre les working poors, toujours plus nombreux.
Au niveau hospitalier : Le dossier des hôpitaux a montré, s’il en est, la difficulté de trouver un accord cantonal sur la répartition des différentes missions hospitalières. Le maintien de la chirurgie, tant à La Chaux-de-Fonds qu’à Neuchâtel, aurait dû permettre de couvrir les besoins sanitaires du canton, tout en garantissant le principe d’équilibre régional inscrit dans le loi sur les établissements hospitaliers multisites (LEHM). C’était sans compter sur un quatron de députés libéraux du Littoral (les mêmes qui s’en sont pris au projet TransRun), qui n’ont de cesse de s’attaquer au principe d’équilibre régional. Le problème de gouvernance dans HNe est également omniprésent. La multiplication et la verticalisation des structures décisionnelles (Grand Conseil, Conseil d’Etat, Conseil d’administration, Direction générale,…) a dépourvu le politique de ses prérogatives.
Corrélé à un affaiblissement de l’hôpital cantonal, cette stratégie de concentration des entités existantes risque par ailleurs d’accélérer la pénurie annoncée de généralistes et autres pédiatres dans les Montagnes neuchâteloises et au Val-de-Travers. La mise en place d’une stratégie globale et efficiente passe donc par une optimisation des structures et plus particulièrement par une accessibilité et un contrôle direct du Conseil d’Etat sur la direction de HNe (Projet de loi Dupraz, Nussbaumer, Courvoisier, Houlmann, Latrèche, Guyot). Il est grand temps également de mettre un terme au processus d’autonomisation - Neuchâtel étant le canton qui a le plus usé de ce procédé depuis une dizaine d’années -, si cher à la droite et qui n’engendre au bout du compte qu’une perte de maîtrise de l’évolution de la situation et l’explosion des coûts financiers. De plus, une politique proactive dans l’ouverture de centre médicaux de proximité doit devenir une priorité. A l’instar de la Ville du Locle, certaines collectivités locales tentent de mettre sur pied ce genre de structures.
Enfin, nous pouvons citer l’affaire de l’Hôpital de la Providence. Sacrifié sur l’hôtel de la logique marchande, son Conseil d’administration a livré pieds et poings liés son hôpital au Groupe Génolier. Cette transaction a permis au Conseil d’administration de la vénérable institution de s’en tirer à bon compte, en assurant des débouchés juteux à certains de ses membres. A l’opposée, les employés ont vu leur convention collective de travail supprimés à court terme, malgré le fait que l’établissement soit au bénéfice de subventions publiques. Les engagements du Groupe Génolier n’ont d’ailleurs pas été respectés, puisque l’on dénombre à l’heure actuelle déjà plus d’une soixantaine de suppression de poste, dont un vingtaine de licenciements. Si la majorité de gauche au Grand Conseil est maintenu, le projet de loi “Ziegler” devrait remettre un peu d’ordre à cette situation pour le moins affligeante.
Le canton de Neuchâtel est à la croisée des chemins. Devant la détérioration de la situation socio-économique (il est vrai, mise à mal par la situation mondiale), certains commencent à parler d’une génération sacrifiée. La justice sociale doit reprendre plus que jamais ses droits !
Cédric Dupraz